Autant un apprentissage qu’une illusion
Il existe dans la poésie de Jean-Claude Leroy une radicalité très particulière, loin de toute homogénéisation. Les hommes prennent soudain un nouveau visage : “avec tous ces masques à leur place / j’ai bien vu que les visages sont inutiles / un chiffon fait très bien l’affaire”.
Le texte ramène moins à l’utopie qu’à une réalité qui le rattrape. Car la guerre est là. Certes, chez le poète, elle est intérieure et fait trembler les pensées fixes et impériales.
Histoire de faire une toilette intérieure tout en rejetant ce monde où il n’est pas jusqu’aux soldats à se branler “tristement”.
Existe chez l’auteur une pensée en éveil “réactionnaire”, diront certains, car sans illusion. Là où se défendre de soi-même est autant un apprentissage qu’une illusion.
Dès lors, à chacun de faire copain-copain avec ses angoisses et ses peurs.
L’auteur n’est pas encore vieux, mais il sait que sa vie doit compter plus que jamais avec l’urgence et la déception pour faire quelque chose avec ce qui reste. La fatigue est là, mais qu’importe.
Il convient de se mettre au moins à l’épreuve de ce qui demeure à portée de main dans ce qui tient de l’étrangeté autant de l’amour que “du rutabaga, du hareng saur”.
À ce titre, il n’existe plus rien qui ne nous échappe. Pas même la mort.
À sa façon, l’auteur, comme Richter, en offre une “over-painting” par son livre.
Jean-Paul Gavard-Perret (avril 2022)