• Aléa second (Remue.net)

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    Aléa second (Remue.net) Filtrer le peu, l’infime d’un présent au monde (et aux autres) en puisant dans sa mémoire ce qui reste à vif, ce que l’oubli n’a pas réussi à effacer, semble être au centre de ce que tente de transmettre, en équilibre sur un fil très tendu, Jean-Claude Leroy.

    « corps accroché à l’image
    brouillard des cellules
    glace crevée par le désir
    sur des murs de tessons et d’azur coagulé
    tu rampes souvent, et saignes »

    Trouver assez de force pour tenir et avancer ne peut se faire sans multiplier les retours sur soi, sans interroger son corps, sans y associer plaintes, plaisirs et blessures, sans s’en aller, de temps à autre, « pleurer aux arbres », sans extraire de ce chantier à ciel ouvert les mots qui devront ensuite se toucher et se frotter pour produire un déclic, un poème, une présence. C’est ce genre de fusible qu’il répare et branche dans l’obscurité d’un livre qui donne de la lumière par éclats brefs et successifs, en touchant des fils dénudés et des prises dissimulées, sur terre ou dans le désert, voire même dans « l’ancien garage des solitudes ». Çà et là, des souvenirs affleurent. L’enfance n’est jamais loin. Le corps non plus, qui quémande, cherche à revivre ces secousses intenses et fulgurantes qui le font vibrer.

    « être ce rien qui leste le temps

    corps noyé sec sur l’étal de l’ennui
    prêt à jouir d’une lame, devenir fragment »

    Jean-Claude Leroy associe ces fragments d’une façon particulière. Il n’y a pas chez lui besoin de suite et de continuité, mais des décrochages réguliers, des télescopages naturels (et très subtils) d’un vers l’autre avec, à chaque fois, limitant les césures, un point de suture (ou de jonction) qui permet à l’image, à l’intuition, à l’imprévu, à l’être et à son ressenti de se caler dans un même poème.


    Jacques Josse (19 juin 2013)


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